Dans un article revenant sur le rôle sous-estimé de la question Touarègue dans la crise malienne, l'IFREI a remarqué des affirmations complotistes du Premier ministre malien lors de son allocution du 7 février dernier. En substance, l'analyse proposée dans cet article est que des acteurs maliens ont très tôt fait l'amalgame entre indépendantistes (ou autonomistes) touaregs, et djihadistes. En réunissant opportunément les deux types de mouvements sous le terme de "terroristes", ces acteurs imaginaient que l'aide militaire française pourrait leur servir à réprimer l'indépendantisme touareg auquel le Mali n'a pas su trouver de réponse politique depuis les indépendances.
L'impossibilité de réaliser une telle opération apporte un éclairage intéressant sur les raisons de la propagande pro-russe demandant le retrait des forces françaises et européennes : une alternative serait en effet que ces forces soient remplacées par des mercenaires ou des militaires russes qui eux n'hésiteraient pas à s'attaquer aux Touaregs. D'où une propagande revendiquant la nécessité de l'appui russe pour récupérer l'intégrité territoriale du Mali, et accusant les forces françaises de soutenir les groupes terroristes voire de leur fournir des armes. Certains iront même jusqu'à affirmer que la France paie des gens pour tuer des maliens pour faire croire que ce sont des djihadistes qui tuent les maliens.
Ainsi une bonne part de la propagande pro-russe relève d'un complotisme particulièrement absurde, et ce sont avant tout les populations des zones ayant le moins accès à l'information et au debunking qui en sont victimes. Si ce complotisme peut se comprendre dans des brousses où l'accès à internet n'est pas disponible, il est en revanche difficilement compréhensible quand il émane d'une Primature.
Et c'est précisémment ce que l'IFREI a remarqué dans le discours du Premier ministre de la junte malienne issue du dernier coup d'État. A la fin de ce discours prononcé le 7 février devant des représentants diplomatiques, Choguel Maïga affirme que les dirigeants français "n'ont jamais dit à leur opinion publique quand ils intervenaient en 2013 qu'ils allaient diviser le Mali pour créer un sanctuaire pour le terrorisme."
Avec de tels propos, le Premier ministre malien participe à la manipulation des opinions maliennes ou sous-régionales, et perd sa crédibilité face à la communauté internationale. Mais : n'y a-t-il pas aussi une certaine responsabilité médiatique?
Par exemple, la dépêche AFP reprise par de nombreux sites a coupé la phrase, et rapporte que Choguel Maïga a dit : "n'ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu'ils allaient diviser le Mali." En tronquant la phrase, l'AFP a masqué l'allégation d'une intention française de créer un sanctuaire terroriste, ce qui fait que les lecteurs ne perçoivent pas le complotisme du Premier ministre malien.
Et ce sont des centaines de sites internet (voir les quelques exemples ci-dessous1 ) qui ont relayé cette phrase tronquée, et qui donc participent à une forme de désinformation involontaire, ou pas. Ce n'est pas la première fois que la presse reprend des dépêches d'agence sans les vérifier : on comprend que les modèles économiques imposent de gagner du temps et que le discours de Choguel Maïga durait une heure, mais la vérité a un coût. Et la perception du monde tel qu'il est réellement par le public est une condition nécessaire à la prévention et à la résolution des conflits.