La propagande pro-russe sur les réseaux sociaux est fragilisée par l'appel à reconnaître l'indépendance des territoires de l'est de l'Ukraine : cet appel de la Russie place la Centrafrique et la junte malienne dans une situation difficile. Vladimir Poutine aurait pu se contenter de reconnaître l'indépendance des territoires de Donetsk et Lougansk. Mais, sans doute pour tenter de réduire son isolement international, la Russie a choisi d'appeler les autres pays à réconnaître l'indépendance de l'est ukrainien : une dépêche AFP a relayé un communiqué1 du ministère des affaires étrangères (MAE) russe appelant "à suivre son exemple et à reconnaître l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk".

Le rapprochement diplomatique du Mali et de la RCA devrait donc inciter le Colonel Goïta et le Président Toaudéra à répondre à l'appel du MAE russe : Si leur réponse est négative, cela contribuera à isoler la Russie sur la scène internationale, mais cela restera cohérent avec le discours russe repris sur les réseaux sociaux qui affirme depuis des années que la Russie veut aider le Mali à retrouver son intégrité territoriale.

La crise ukrainienne fragilise donc la propagande russe à destination des réseaux sociaux maliens : depuis 2013, des acteurs bamakois voulaient profiter de l'opération anti-terroriste de l'armée française et espéraient que la France se lancerait aussi dans une guerre contre le MNLA. La France n'ayant pas répondu à cette attente, des opérations informationnelles ont été lancées sur les réseaux sociaux afin d'expulser l'armée française et de la remplacer par des forces russes (comme celles du groupe Wagner) qui n'hésiteraient pas à s'attaquer aux touaregs : la diplomatie russe a donc décidé de soutenir ce discours2 et a promis de soutenir l'intégrité territoriale malienne, donc , en creux, de refuser l'indépendance de l'Azawad. Mais quelle crédibilité reste-t-il à un discours russe ou pro-russe qui appelle à l'indépendance d'un côté, et la refuse de l'autre?

Un autre axe de la propagande pro-russe est d'accuser l'occident de néo-colonialisme : comment ce discours pro-russe "anti-néo-colonialiste" peut-il rester crédible quand la Russie annexe la Crimée, et bientôt l'est ukrainien, ou plus?

En revanche, si la réponse du Mali et de la RCA était positive, alors le colonel Goïta serait obligé de reconnaître l'indépendance de l'Azawad, sauf à adopter une position dont la duplicité risquerait de miner sa crédibilité : pourquoi être pour l'indépendance de l'est ukrainien, et contre celle de l'Azawad?

En résumé : du fait de l'appel du MAE russe, dans tous les cas, la propagande pro-russe est décrédibilisée. Quant à Assimi Goïta, il a le choix entre deux positions perdantes : reconnaître l'indépendance (ou au minimum une réelle autonomie) de l'Azawad, ou bien la refuser et décrédibiliser la Russie, qui l'a porté au pouvoir.