Vincent Bolloré a été auditionné le 19 janvier  par la commission d'enquête parlementaire1 mise en place par le Sénat français pour enquêter sur la concentration des médias et ses effets sur la vie démocratique2 en France. Bolloré a rejeté les accusations d'interventionnisme politique ou idéologique, et a avancé que sa politique d'expansion médiatique avait une vocation purement économique et s'expliquait par le fait que les médias seraient le deuxième secteur économique le plus rentable après celui du luxe3 .

Cela expliquerait sans doute pourquoi Bolloré, qui réalise un tiers de son chiffre d'affaire en Afrique, souhaiterait céder ses activités portuaires et logistiques en Afrique4   à l'armateur Suisse MSC5 , déjà présent au Togo et en Côte d'Ivoire. Pour autant, malgré l'abandon de Bolloré Africa Logistics, en ce qui concerne ses activités africaines,  le groupe conserve sa participation dans SOCFIN6 , et l'activité de Group Vivendi Africa.

La commission a évoqué la politisation de CNews, la brutalité des méthodes Bolloré, dénoncées par RSF, et l'abus des poursuites judiciaires à l'encontre des journalistes, plusieurs fois déboutées par la justice7 . La concentration verticale8 du groupe a aussi été évoquée : Presse (JDD), télévision (CNews, Canal), radio (Europe 1), édition9 , Havas (communication, y-compris politique10 ), musique (Universal), video online (Dailymotion), instituts de sondage (CSA). En revanche la commission n'a pas mentionné Group Vivendi Africa, qui déploie une offre internet haut débit en Afrique Francophone.

Vincent Bolloré a expliqué qu'il souhaite que son groupe permette défendre la culture française et européenne en concurrençant les GAFA: "le vrai danger ce sont les GAFA qui sont vous l'avez vu des poids considérables, qui passent à travers des tuyaux non contrôlés, non contrôlables..." Le lapsus non contrôlés/ non contrôlables prend toute sa signification quand on sait que si Bolloré va devoir céder ses activités logistiques en Afrique, en revanche Vivendi Africa va prendre des parts de marché importantes dans le domaine de la fourniture d'accès à Internet en Afrique francophone.

Si les sénateurs ont bien perçu la menace de la concentration médiatique sur la vie démocratique, ils n'ont pas semblé percevoir en quoi l'ajout du contrôle du secteur de l'accès à Internet à l'empire médiatique de Bolloré pose un problème de totalisme informationnel : Le groupe s'étend dans le domaine de l'information, de la publicité, de la communication politique, de la création audiovisuelle, autrement dit tous les contenus informationnels. En s'étendant à l'accès à Internet, le groupe peut dès lors contrôler les tuyaux qui diffusent tous ces contenus.

Et ce totalisme informationnel ne concerne pas que le contrôle de la création et de la diffusion de tous les contenus informationnels: il concerne aussi une possibilité de surveillance totale des utilisateurs. Un fournisseur d'accès peut matériellement accéder à la totalité des comportements des utilisateurs sur internet : quels sites ils consultent, quelles sont leurs habitudes d'achat, d'opinion, de préférences, et leurs relations. De nombreux services de renseignement rêveraient de pouvoir disposer des logs de connexion des utilisateurs, qui permettent de récueillir toutes ces informations.

Le risque démocratique engendré par ce totalisme informationnel est tel qu'il faudrait soit interdire aux opérateurs économiques d'exercer simultanément une activité de fournisseur d'accès et une activité de création ou d'exploitation de contenu informationnel, soit interdire aux fournisseurs d'accès d'enregistrer les activités des utilisateurs sur Internet.