Ce 8 mars, un message1 posté sur twitter annonçe des combats à l'est de Ménaka, à Tamalat, entre les djihadistes de l'EIGS et le MSA. Puis l'EIGS2 réussit à prendre le contrôle de Tamalat. Le lendemain, des massacres de civils3 à Tamalat sont signalés : des adolescents et des personnes âgées ont été tués. Le MSA parvient ensuite à reprendre Tamalat.

Puis l'EIGS attaque Inchinanane4 , au sud ouest de Tamalat, ville sous le contrôle du MSA. Un message sur twitter alerte sur le risque d'un nouveau massacre de civils si l'EIGS parvenait à prendre Inchinanane. Peu de temps après, L'EIGS s'empare5 de la ville. A 14 heures, l'EIGS réussit à reprendre le contrôle6 de Tamalat. Un post du 10 mars révèle que l'EIGS avait lancé une seconde attaque sur Tamalat alors que le MSA était en train d'enterrer7 les civils massacrés le 9 mars.

Le 5 mars, l'EIGS avait lancé une fatwa8 contre la communauté Doushak, incitant à les tuer et à s'emparer de leur biens: les troupeaux des familles au sud de Tamalat sont alors razziés, puis le 8 les civils de Tamalat sont attaqués. Le 9, plus de 60 morts9 sont recensés.

A Inchinanane, l'EIGS lance une nouvelle attaque le 9 à 17h et reprend la ville au MSA. 11 civils sont massacrés10 par l'EIGS. Le 10 mars l'EIGS pille et incendie Inchinanane, les corps de 10 civils11 sont retrouvés.

72 heures après le début de ces attaques, les civils, femmes et enfants, continuent à fuire à pieds vers Menaka, sans aucune réaction12 des autorités maliennes. La MINUSMA est interpellée, pour n'avoir pas protégé les populations massacrées et ne pas soutenir les réfugiés.

tamalatInchanane

Le 11 les réfugiés parviennent à Ménaka: un tweet adressé à l'OCHA et au HCR13 alerte sur la nécessité de leur apporter du soutien.

Si les communautés Touarègues n'ont bénéficié d'aucune protection des FAMA, et si les autorités maliennes n'ont pas soutenu les réfugiés, il est par ailleurs surprenant que la presse Malienne n'ait pas mentionné les massacres des populations civiles de Tamalat et Inchinanane. Ce silence des médias Bamakois est cohérent avec la reprise en main des médias par la DIRPA que nous avions signalée, qui souhaite enrôler les journalistes dans ses opérations de communication visant à vanter les succès des FAMA : à l'évidence, parler de l'absence des FAMA durant ces massacres ne rentre pas dans ce cahier des charges.

En revanche, malgré plusieurs messages alertant les médias occidentaux, aucun article n'est publié. C'est exactement sur ce type de non retour médiatique que les médias vecteurs de la propagande russe comme RT ou Sputnik ont pu prospérer pendant des années. Il faut attendre le 11 pour que seul Wassim Nasr14 parle de ces massacres sur France24. Si Wassim Nasr avait été récemment critiqué sur les réseaux sociaux par des acteurs locaux, le fait qu'il couvre ces massacres alors que la presse Bamakoise reste silencieuse devrait faire taire ses détracteurs... A moins qu'ils ne fassent partie de la mouvance bamakoise anti-touarègue qui se réjouit de la défaite du MSA face à l'EIGS et justifie l'absence de réaction des FAMA.

donsTamalat

Ces massacres et l'absence de soutien des FAMA mettent la junte malienne dans une situation difficile : l'incapacité et l'absence de volonté des FAMA à protéger les civils malgré les efforts vantés sous l'impulsion de la DIRPA justifiraient en elles-mêmes l'indépendance des populations de l'Azawad. Cette incapacité décrédibilise aussi la stratégie de la junte qui visait à remplacer Barkhane par des combattants russes. Et cette incapacité risque de perdurer avec la guerre de colonisation de l'Ukraine qui incite la Russie à relocaliser ses différents combattants de l'Afrique vers l'Ukraine: la conséquence est que dans ces conditions, les russes ne pourront sans doute pas pouvoir fournir plus qu'une garde présidentielle à la junte malienne, au détriment des populations.